Les prédateurs et les parasites représentent une menace importante pour les élevages d’huîtres et de moules. Les travaux effectués par le SMEL depuis 2001 sur la prédation des moules par les bigorneaux perceurs ont montré l’importance des destructions du cheptel mais ils ont également mis l’accent sur l’absence de technique efficace pour lutter contre ce prédateur, seul le ramassage manuel étant actuellement possible.
Depuis quelques années, la prédation des huîtres semble s’amplifier avec notamment l’apparition de nouvelles espèces de perceurs dans les secteurs conchylicoles.
Le réseau REMORA (2003) montre que le taux de mortalité imputable aux perceurs peut atteindre en Poitou-Charentes 60% de mortalités du naissain et 30% sur les adultes. En ce qui concerne, l’élevage à plat, ce taux est plus faible et représente 20% des mortalités
Jusqu’à 10% de perte de production d’huître
En Basse-Normandie, la présence de perceurs dans les concessions ostréicoles n’est pas nouvelle. Depuis le début de l’ostréiculture, Ocenebra erinacea est présent sur certains secteurs. Toutefois, une nouvelle espèce, Ocinebrellus inornatus, cousine de l’espèce indigène, est apparue dans la Manche depuis quelques années. Cette apparition se traduit par une prédation accrue. Selon, les professionnels, les secteurs concernés sont limités à la côte ouest du Cotentin et plus particulièrement à la zone de Blainville-Gouville où la prédation est maximale. Sur ce secteur, la perte de production peut atteindre 10% dans les zones les plus touchées qui correspondent, d’une manière générale, aux parcs situés en bas de l’estran et en zone rocheuse. Un seul perceur dans une poche entraînant la consommation de plusieurs dizaines d’huîtres. Toutefois, le perceur ne pénètre pas nécessairement dans la poche pour consommer ces proies, mais il lui suffit de se fixer à l’extérieur, dans ce cas, les pertes sont généralement moins importantes.
Une infestation rapide des parcs ostréicoles
Ocinebrellus inornatus, originaire d’Asie, a probablement été introduit en France au début des années 70 lors de l’importation massive d’huîtres Crassostrea gigas suite aux mortalités massives de la fin des années 60. Ces importations proviennent de Colombie Britannique (huîtres adultes) et du Japon (naissain), toutefois, il semble que le traçage génétique permet d’établir en partie, que les perceurs présents en France sont issus des USA, eux même infestés au début du 20ième siècle.
Ce n’est toutefois, qu’en 1995 que les premiers spécimens ont été observés en France dans le bassin de Marennes – Oléron, Robert et al. (2003) estiment alors le stock à 1 million d’unités, le modèle de développement permet d’estimer le stock à 15 millions en 2002 et 80 en 2006 si aucune action n’est envisagée.
Cette évolution exponentielle du développement de cette nouvelle espèce fait craindre une forte augmentation de la prédation dans le secteur de Blainville-Gouville dans les prochaines années. Il est pourtant probable que l’infestation ne s’arrête pas à ce secteur et cela pour deux raisons.
La première est à reliée à la biologie de l’espèce. Bien qu’elle ponde 1.5 fois moins de capsules que l’espèce indigène, chacune d’elle renferme 16 fois plus d’œufs. Les 3 larves survivantes (par capsule) ne sont pas nageuses et colonisent donc le secteur rapidement prenant le dessus sur l’espèce locale. Ainsi, 1 femelle donnera naissance à 75 juvéniles et ceci deux fois par ans au printemps et en automne, ce qui augmentera rapidement le stock au niveau local.
La seconde est à reliée au transfert de coquillages d’un site à un autre. L’ostréiculteur devenant le vecteur de l’infestation sur des longues distances (Transfert des USA vers la France, de Marennes vers Blainville – Gouville…).
Le piégeage des perceurs se révèle difficile
Des expérimentations ont permis d’estimer la possibilité de piégeage des perceurs avec l’utilisation d’appâts. Les moules et d’huîtres utilisées comme appât permettent d’attirer significativement les perceurs en bassin. Toutefois, la transposition en mer ne permet pas d’obtenir des résultats significatifs pour pouvoir utiliser une technique de capture basée sur ce type d’appât.
Des actions de luttes efficaces doivent être engagées
Cette espèce ayant une faculté d’adaptation assez grande (Vermeij, 1971, Robert et al., 2003), il est probable que l’infestation se prolonge vers des sites non encore touchés comme la côte Est ou Chausey.
Il est ainsi indispensable d’engager une action afin de limiter la prolifération des perceurs et en particulier de la nouvelle espèce. Cette action peut avoir lieu à trois niveaux :
– Destruction des capsules contenant les œufs
Le brûlage a montré son efficacité dans d’autres régions. Cette action doit être réalisée au printemps (mai – juin) et en automne avant l’éclosion massive.
– Ramassage des adultes
L’organisation de collectes à des périodes ciblées (printemps – été) permet de récolter massivement sur un secteur, renforçant l’efficacité de l’action
– Limiter l’infestation sur de nouveaux secteurs
Par le trempage des huîtres dans l’eau douce (au moins 5 minutes) ou des tris minutieux au moment des transferts
– Gestion des déchets conchylicoles
Afin d’éviter le retour sur l’estran des coquilles d’huîtres ainsi que des perceurs survivants.
Des techniques de confinement des huîtres et notamment du naissain dans une double poche ou encore de l’utilisation de poche casier afin d’augmenter la difficulté de fixation des perceurs peuvent avoir une efficacité à court terme mais n’endiguera pas la prolifération de perceur qui pourra trouver temporairement des nourritures alternatives (moules, palourdes, balanes, huîtres sauvages…).
Ainsi, des actions de luttes efficaces doivent être engagées rapidement et massivement sous peines d’alourdir considérablement l’impact de la prédation dans les années à venir.
Evaluation de l’impact de la prédation des huîtres en Basse-Normandie
Basuyaux, O., Brunet, B.
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