Effet de la dissolution des anodes galvaniques en aluminium sur l’huitre creuse en mésocosme

Publié le 1 février 2021 | Mer & Littoral, Nos travaux |

Les écosystèmes côtiers sont des espaces soumis à une pression importante du fait de leur anthropisation et ils sont devenus particulièrement vulnérables. Fin 2018, le nombre d’éoliennes en mer en Europe était de 4 543, réparties dans 105 parcs situés dans 11 pays différents. La France a pour objectif de rattraper son retard dans la course aux énergies marines renouvelables et différents projets de parcs éoliens ont débuté. Le déploiement de telles structures en mer implique la mise en place d’anodes galvaniques constituant un système de protection cathodique contre la corrosion. Parmi ces anodes, les anodes à base d’alliage d’aluminium sont largement utilisées pour protéger les structures exposées à l’eau de mer.  L’oxydation de l’anode entraîne une diffusion dans le milieu des éléments constitutifs de l’alliage métallique. Dans le cadre du stage de Master 2 d’Antoine Laisney et de la thèse d’Alexandre Levallois, le SMEL et le laboratoire BOREA de l’Université de Caen Normandie ont mené des tests d’expositions sur des huîtres afin d’estimer la bioaccumulation et la toxicité potentielle des eaux de mer contaminées par les anodes galvaniques à base d’aluminium.



Quel impact des anodes galvaniques sur les organismes vivants ?

L’utilisation d’anodes galvaniques en aluminium pour la protection cathodique des structures métalliques (infrastructures portuaires, coques de bateaux) est pratiquée depuis le début des années 1960. L’installation de nombreuses éoliennes en mer implique donc la mise en place d’anodes galvanique pour protéger les structures de la corrosion engendrée par l’eau de mer. L’anode est constituée de plusieurs métaux (majoritairement aluminium, zinc ou magnésium) qui subissent une oxydation et sont libérés dans l’environnement sous forme d’ions ou d’oxydes. Ainsi, il est estimé qu’un parc éolien de 75 éoliennes équipées d’anodes galvaniques en aluminium libère annuellement 45 tonnes d’aluminium et 2 tonnes de zinc. A la différence d’autres métaux comme le fer ou le cuivre, l’aluminium n’a aucun rôle biologique connu. De façon surprenante, il n’existe que peu d’études concernant les effets biologiques de l’aluminium en milieu marin dans la bibliographie, et encore moins sur l’effet des produits de la dégradation des anodes galvaniques.

L’huitre creuse, un bon modèle d’étude en écotoxicologie

Dans les études écotoxicologiques, la diversité et l’abondance en milieu aquatique des mollusques, et plus particulièrement des bivalves, en fait un des groupes majoritairement étudiés. De par leur mode d’alimentation, les bivalves concentrent les contaminants de l’environnement dans leur organisme par la filtration de grands volumes d’eau. Ils constituent ainsi des espèces bioaccumulatrices. Cette particularité fait de ces mollusques des organismes très utiles dans le cadre de l’évaluation et du suivi de la qualité chimique des milieux. De plus, la Normandie étant la première région productrice d’huitres en France, de nombreux parcs ostréicoles sont présents le long des côtes Normandes. Pour ces raisons, l’huitre creuse, Crassostrea gigas, apparait comme un modèle d’étude d’intérêt écologique et économique pour la région Normandie.

Une exposition de 3 mois dans de grands volumes simulant les conditions naturelles

L’exposition a été réalisé au SMEL pendant 3 mois du 2 juin 2020 au 28 Aout 2020. Au total, 500 huitres de 18 mois ont été réparties dans 4 conditions expérimentales : 1 témoin et 3 concentrations d’aluminium (100, 300 et 900 µg.L-1). La contamination a été réalisée grâce à un dispositif expérimental simulant la dissolution d’une anode galvanique en aluminium dans le milieu marin, ce qui permet de recréer un transfert de métaux avec la même spéciation chimique que celle retrouvée en milieu naturel. Le dispositif est équipé d’une électrode de référence et d’une contre-électrode. Les électrodes sont connectées à une anode en aluminium et l’ensemble est relié électriquement à un potentiostat. Ce montage électrochimique permet de contrôler la concentration en aluminium (et autres métaux libérés par l’anode) d’un volume d’eau renouvelée tous les jours. Cette eau (relativement concentrée) est ensuite diluée afin d’obtenir les trois concentrations testées pour les essais biologiques. La salinité, la température et le pH ont été contrôlées quotidiennement dans les différents bacs et les huîtres ont été nourries par un mélange de microalgues (Isochrisis et Chaetoceros). Des prélèvements hebdomadaires d’eaux permettent de contrôler les concentrations en aluminium et autres métaux.

Installation de l’étude sur les anodes galvaniques au SMEL. Sur la gauche : les différentes conditions expérimentales avec les huitres. En haut à droite : le potentiostat pour réguler la contamination de l’eau de mer. En bas à droite : l’anode galvanique reliée aux électrodes dans le bac de contamination.

Une batterie de biomarqueurs pour évaluer la toxicité des métaux sur les huîtres

Ayant pour objectif d’avoir une vision globale des effets potentiels des anodes galvaniques sur la physiologie des huîtres, différents paramètres biologiques ont été étudiés constituant une batterie de biomarqueurs. Les biomarqueurs correspondent à des réponses biologiques pouvant être mesurées dans l’animal entier ou seulement dans certains organes. Les biomarqueurs étudiés doivent être liés à des fonctions physiologiques clés comme la croissance, la reproduction ou la défense de l’organisme. Dans cette étude, nous nous sommes intéressés aux mécanismes moléculaires et cellulaires impliquant les hémocytes, cellules clés de l’immunité, (immunotoxicité) ainsi qu’à l’état histologique des tissus gonadiques (histo-pathologie), à la gamétogenèse, et également à l’état des réserves énergétiques. L’objectif final est d’estimer un indice de risque lié aux métaux libérés pas les anodes galvaniques. Les premiers résultats semblent indiquer une bioaccumulation de l’aluminium et du zinc dans les huîtres au cours du temps mais les biomarqueurs physiologiques ne semblent avoir été modulés par la contamination de l’eau même à la plus forte concentration testée.

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