La Normandie est une région phare de la production d’huître creuse Magallana gigas en France. Si elle est une des premières régions en termes de production, elle n’est pas au premier rang des régions en volume de vente de produits finis. Aussi, l’huître de Normandie peine à se faire une place de choix dans la conscience collective. C’est pourquoi, de manière à aller vers une valorisation optimale de ses produits, la profession ostréicole normande souhaite acquérir une meilleure reconnaissance de ses pratiques aboutissant à la mise sur le marché de la qualité Normande.
La notion d’affinage
Au sens agro-alimentaire du terme, cette dénomination se base sur une notion de maturation du produit lui permettant de développer toutes ses caractéristiques de goût et de texture (pour les fromages par exemple). Cette notion est également connue des consommateurs d’huîtres. En effet, ce terme, historiquement associé à l’ostréiculture marennaise qui a su communiquer avec force depuis très longtemps sur les bienfaits de cette dernière phase avant commercialisation, est notamment reconnaissable au verdissement de la chair des huîtres après passage en claires. Encadrée par des règles zootechniques strictes (faibles densités et durée), cette pratique joue également sur les taux de remplissage et la texture des coquilles. C’est pourquoi, cette étape n’est plus à l’heure actuelle uniquement inféodée au passage en claires mais est également reconnue sur parc.
Définition de l’affinage en ostréiculture
Dans le cadre des accords interprofessionnels concernant les dénominations et la classification des huîtres creuses à tous les stades de la commercialisation en vue de leur mise en marché pour la consommation humaine (délibération N°31 du C.N.C du 28 juin 2011), la profession ostréicole définit l’affinage comme étant une : « … Etape du cycle biologique de production intervenant en fin de cycle d’élevage qui consiste à immerger des huîtres adultes dans des claires ou des parcs d’affinage avant leur conditionnement en vue de leur mise en marché … » et ayant pour objet de « … modifier les caractéristiques organoleptiques, d’accentuer le durcissement de coquille, de favoriser l’engraissement ou d’opérer le verdissement. »
Vers la valorisation des produits
Outre le fait d’apporter aux huîtres des qualités recherchées par les consommateurs, l’objectif final de toute production est donc bien de valoriser économiquement le produit mis sur le marché. Derrière cette notion d’affinage, il existe donc bien une notion de valeur ajoutée à la vente s’appuyant sur des pratiques zootechniques occasionnant des efforts de main d’œuvre et d’immobilisation de matériel ainsi que du temps nécessaire à l’obtention d’un produit dont les caractéristiques sont identifiables.
Objectifs pour la Normandie
S’appuyant sur les pratiques de l’ostréiculture normande et sur les outils mis en place par l’interprofession française, le Comité Régional de la Conchyliculture Normandie Mer du Nord (CRC NMdN) a souhaité engager une réflexion sur la possibilité de valoriser la production des ostréiculteurs normands qui le souhaitent, par le biais de la reconnaissance de la pratique du « Trompage » comme constituant un acte d’affinage des huîtres commercialisables. Ainsi, se basant sur la définition de l’interprofession, tout ou partie des parcs d’entreposage (ci-après désignés parcs de dépôt) qui sont utilisés en fin de cycle lors du « trompage » des huîtres, pourrait faire l’objet d’une demande d’agrément en parc d’affinage.
Parmi les critères définissant l’affinage, il en est un qui pourrait correspondre aux pratiques normandes : le durcissement des coquilles.
Le « trompage » des huîtres
La dernière étape primordiale de l’élevage des huîtres en Normandie, est celle réalisée en vue de préparer les huîtres à la commercialisation. De manière presque « ancestrale », les ostréiculteurs normands « remontent » les poches d’huîtres commercialisables sur les parcs de dépôt situés à des niveaux bathymétriques autorisant un accès régulier, y compris au cours des marées de mortes eaux. Ainsi, les huîtres de taille commercialisable subissent des émersions deux fois par jour. Ces parcs sont identifiés sur le cadastre ostréicole par une délimitation « administrative » qui, certes, identifie les surfaces concédées les plus hautes sur estran, mais qui ne suit pas précisément les variations de niveau bathymétrique de chaque secteur.
Cette pratique, traditionnellement appliquée en Normandie est appelée le « trompage ». Elle a pour objectif d’habituer les huîtres à se fermer et ainsi conserver leur eau. A cette occasion, les huîtres vont devoir développer leur muscle mais également renforcer leur coquille.
Objectif de l’étude
Le CRC-NMdN a donc sollicité le SMEL pour objectiver cette acquisition de dureté de coquille des huîtres commercialisables à l’issue du « Trompage » afin de disposer d’éléments objectifs leur permettant de mener toute la réflexion nécessaire à la mise en place de critères de la reconnaissance des huîtres de Normandie.
Une notion subjective mais ancrée dans les esprits
Cette notion de durcissement de coquille est une notion complétement ancrée dans l’esprit de la profession. Si l’œil averti d’un professionnel sait reconnaitre à sa forme et à son aspect, une huître « durcie », il n’existait pas d’élément mesurable objectif pour en faire la démonstration.
Besoin d’une démonstration
La première phase a donc consisté à déterminer quel(s) pouvai(en)t être le(s) meilleur(s) indicateur(s) d’évaluation. Ce travail, réalisé dans le cadre d’un projet d’application d’étudiants en master 2 AQUACAEN de l’université de Caen, a permis d’identifier la mesure de compression mécanique comme potentiellement applicable et pertinente.
Ensuite, une étude sur sites ostréicoles et en milieu contrôlé a été mise en œuvre au cours d’un stage de master 2 réalisé par Benoit Chaumard au SMEL. Ainsi, en collaboration avec le CRC-NMdN et des professionnels, des lots d’huîtres issus des élevages de Blainville/Mer, Gouville/Mer et St Vaast La Hougue ont été mis sur parcs de dépôts pour subir le « trompage ». Pour effectuer cette évaluation, des huîtres issues de ces mêmes lots ont été conservées sur les parcs d’élevage. L’objectif de l’étude était donc de réaliser un certain nombre de mesures, dont la mesure estimant la dureté de coquille, à différents moments de manière à déterminer quel était le temps minimum pour obtenir un effet, et à différents niveaux bathymétriques des parcs de dépôt pour estimer l’importance de la durée d’exondation sur les indicateurs mesurés. Parallèlement à cette étude sur site, une expérimentation en milieu contrôlé a été mise en œuvre dans le centre du SMEL à Blainville sur mer, pour valider l’effet du seul facteur d’exondation sur les paramètres mesurés.
Des résultats positifs
A l’issue de l’ensemble des expérimentations, il a été possible de prouver objectivement que le passage sur parcs de dépôt induisait bien une augmentation de la dureté des coquilles et que ce résultat était significativement acquis au bout de 8 semaines. D’autre part, le lien entre cette augmentation de dureté et le niveau bathymétrique d’élevage sur parc de dépôt a été démontré. Ces résultats ont permis de réaliser une projection cartographique déterminant, en fonction des variations de niveau bathymétrique des parcs de dépôts, les zones pour lesquelles la qualité recherchée des huîtres est avérée.
Des perspectives encourageantes.
Ainsi, la profession dispose dorénavant d’éléments concrets sur la pratique du « trompage » pouvant être considérée selon la définition de l’interprofession comme pratique d’affinage. Venant compléter des résultats déjà acquis sur les aspects organoleptiques, il ne reste plus à la profession qu’à poursuivre et préciser sa stratégie et ses plans d’action visant à une meilleure reconnaissance des huîtres de Normandie.
Partenariat technique :
Partenariat financier :
Parcours zootechniques pour pratiquer l’affinage des huîtres en Normandie
Blin, J.L., Chaumard, B. Mai 2018.
Télécharger le rapport au format PDF