Depuis 2008, de nombreux suivis ont été mis en place pour évaluer le phénomène de mortalité des huîtres. Parmi ces suivis, les centres techniques ont mutualisé leurs efforts pour évaluer ce paramètre sur des cycles entiers d’élevage. Ainsi, en Normandie, le SMEL assure le suivi de 2 sites d’élevages : Blainville sur Mer (Côte Ouest Cotentin) et St Vaast La Hougue (Côte Est Cotentin). Si le phénomène associé à l’Herpes virus touche de manière récurrente les naissains, des pertes sur le demi-élevage ou les adultes sont parfois relevées. Ce premier bilan des résultats obtenus en Normandie présente les grandes tendances de 5 cycles d’élevages consécutifs.
Protocole mis en œuvre
Comme indiqué précédemment, les centres techniques (CEPRALMAR, CREAA, SMEL et SMIDAP) assurent le suivi de cycles d’élevages à partir de différents lots mutualisés de naissains d’huîtres. Chaque année sont mis en élevage 2 lots de naissains issus de captage d’Arcachon (lot suivi dans le cadre du réseau REMONOR) et de Charente Maritime (résultats présentés ici dans le cadre du suivi interrégional des centres techniques) ainsi que 6 lots issus de 3 écloseries (3 lots diploïdes et 3 lots triploïdes). Ainsi, les principales origines de naissains d’huîtres mises en élevage par les professionnels sont représentées.
Les cycles d’élevages débutent en début de printemps (mise à l’eau des naissains en mars-avril). En fonction des régions ostréicoles et de leurs caractéristiques propres, les cycles d’élevage durent 1 an (Thau) à 3 ans (Charentes Maritimes et Normandie). Si la dynamique des mortalités des naissains est suivie très régulièrement en période à risque (Voir article du 27 août 2018), le bilan des pertes est effectué à l’issue de chaque année d’un cycle d’élevage. Ainsi, en Normandie, 3 classes d’âges sont évaluées : An 1 (année N élevage naissain), An 2 (2nde année d’élevage du naissain N) et An 3 (3ième année d’élevage du naissain N).
Ce protocole est en œuvre depuis 2014. A l’issue de l’année 2018, 5 résultats de fin de 1ière année d’élevage, 4 résultats de fin de 2nde année d’élevage et 3 résultats de fin de 3ième année d’élevage sont disponibles et analysés pour identifier les grandes tendances concernant l’évolution des mortalités des huîtres.
Variabilité spatiale des mortalités.
Mis à part le décalage temporel de l’apparition des pics de mortalité des naissains d’huîtres entre les côtes ouest et est (déjà évoqué dans l’article précédent), ces bilans confirment que ces deux secteurs ne subissent pas la même pression en termes de perte, et ce, quelle que soit la classe d’âge considérée.
En ce qui concerne la 1ière année d’élevage (naissain), les taux annuels de mortalité sont toujours plus forts à Blainville qu’à St Vaast la Hougue.
A l’inverse, à l’issue de la 2nde et 3ième année d’élevage, c’est à St Vaast la Hougue que les taux annuels de mortalité sont les plus importants.
Évolution temporelle des mortalités
Outre les variations spatiales évoquées précédemment, il a pu être observé une variabilité temporelle des pertes (ampleur des mortalités en fonction des années). Pour les jeunes huîtres, cette variation peut être liée aux caractéristiques propres des animaux qui peuvent évoluer chaque année. Ce caractère est particulièrement mis en lumière sur les lots d’écloserie qui sont issus d’efforts de sélection constants chaque année mais dont les résultats peuvent être variables en fonction des caractéristiques des géniteurs choisis ou de la stabilité plus ou moins acquise de la robustesse recherchée chez ces géniteurs. Les lots de captage quant à eux peuvent avoir également une robustesse contrastée, en fonction des conditions générales qui prévalent à la reproduction et aux pontes d’une année donnée. Enfin, comme vu précédemment, la « pression de mortalité » peut également être contrastée en fonction des secteurs, ces derniers étant plus ou moins impactés par ces phénomènes.
En première année d’élevage, pour le naissain de captage, la mortalité de la saison 2018 a effectivement été significativement plus faible avec une valeur moyenne de 53 % (tous sites confondus) que celle du cycle 2017 et après 3 cycles consécutifs de hausse atteignant 69 %.
Pour les lots d’écloserie, les variations temporelles reflètent la variabilité d’une sélection plus ou moins avancée sur la survie chaque année. Ainsi, les résultats des lots diploïdes d’écloserie semblent se stabiliser depuis le cycle 2015 autour d’un taux annuel moyen de mortalité toutes origines confondues d‘environ 30 %. Pour les lots triploïdes, un plus grand contraste a été observé au cours du temps avec des mortalités moyennes qui ont augmenté entre le cycle 2014 à 2016 (point maximum à 57 %) puis diminué jusqu’en 2018 avec un taux annuel moyen de mortalité de 29 %.
Pour les autres classes d’âge, comme vu précédemment, une différence spatiale très marquée existe entre la côte Ouest et la côte Est. Cependant, la dynamique des pertes entre ces deux secteurs est très différente. En effet, si à Blainville, les taux de mortalité sont faibles, ils sont également relativement stables au cours du temps.
Par contre, une tendance à la hausse est très nettement observée sur le secteur de St Vaast la Hougue avec des taux de mortalité qui ne cessent d’augmenter et cela pour chaque catégorie d’huître considérée. Les pourcentages moyens en 2nde année d’élevage qui variaient entre 4 % et 7 % pour le premier cycle 2014, sont passés à des valeurs atteignant 23 % pour le lot de captage et 53 % pour les lots triploïdes.
Les pourcentages relevés en fin de 3ième année d’élevage sont également en hausse mais de manière moins marquée, passant de valeurs d’environ 10 % pour le cycle 2014 à des valeurs allant de 13 % à 25 % pour le cycle 2016.
Il semble que cette hausse globale des mortalités sur le secteur de St Vaast la Hougue soit consécutive à une hausse des mortalités observées notamment en hiver sur les huîtres en 2nde année d’élevage.
Variabilité due à l’origine des huîtres
Globalement, à l’issue de la 1ière année d’élevage, c’est le lot de captage qui subit les mortalités les plus importantes avec des pourcentages toujours significativement supérieurs à ceux des huîtres triploïdes, eux-mêmes supérieurs à ceux des huîtres d’écloserie diploïdes. Ces différences existent quel que soit le secteur considéré et les années d’observation.
Par contre, en fin de 2nde et de 3ième année d’élevage, le phénomène diffère en fonction du site considéré.
A Blainville, les mortalités sont plus faibles et aucune différence n’apparait en fonction des catégories d’huîtres (captage ou écloserie diploïde et triploïde).
Par contre, de manière significative sur le secteur de St Vaast la Hougue, les mortalités des huîtres triploïdes sont significativement supérieures à celles des huîtres diploïdes de captage ou d’écloserie, surtout ces dernières années comme vu précédemment. Le phénomène de mortalité est donc plus marqué sur ce secteur et pour ces classes d’âge d’huîtres adultes, attestant qu’il ne s’agit sans doute pas du même phénomène que celui touchant les naissains en 1ière année.
En Conclusion
Ainsi, apparait très clairement une variation spatiale des phénomènes entre Blainville siège de mortalités importantes de naissain en 1ière année d’élevage et de moindre mortalité des huîtres adultes en 2nde et 3ième année, et St Vaast la Hougue, moins impacté par les mortalités de naissain mais au contraire siège de mortalités plus importantes d’huîtres adultes, et particulièrement en 2nde année d’élevage. Le suivi montre d’ailleurs une nette augmentation des pertes sur ce secteur au fil du temps, pertes qui s’amplifient au cours des hivers.
Les huîtres de captage restent les plus sensibles en 1ière année d’élevage suivies par les triploïdes dont les performances de survie fluctuent dans le temps, les naissains d’écloserie diploïdes semblant être plus robustes et stables ces dernières années.
Par contre, à l’âge adulte, dès la 2nde année d’élevage, les huîtres triploïdes sont plus sensibles dans l’écosystème de St Vaast la Hougue.
Ce suivi est également à mettre en perspective dans un contexte interrégional (réseau des centres techniques) en apportant ainsi des informations d’intérêt sur le plan national de la situation zoo-sanitaire des cheptels d’huîtres. Ce travail se poursuit donc et sera optimisé au mieux pour répondre à la fois aux attentes régionales mais également nationales.