Les hermelles sont des petits vers bâtisseurs de récifs atteignant parfois près de 2 m de hauteur. Les plus grands récifs d’Europe sont observés en baie du mont Saint Michel : le récif de Champeaux et le récif de Saint Anne. Cette espèce est présente en abondance au sud de Granville dans la zone découvrant à marée basse (zone intertidale). Plus au Nord, elle peut parfois rapidement recouvrir des secteurs entiers comme ceux observés à la fin des années 2010. La présence de ces constructions dans les secteurs conchylicoles pose la question des interactions entre les hermelles et les espèces cultivées (huîtres et moules).
Une espèce bâtisseur à protéger
Sabellaria alveolata, nom scientifique des hermelles, n’est pas une espèce strictement protégée mais les récifs qu’elle constitue permettent d’abriter une faune et une flore abondante et variées, formant ainsi des îlots de biodiversité dans des secteurs biologiquement assez pauvres. A ce titre, ces récifs sont des habitats remarquables, inscrits à l’annexe 1 de la directive européenne « habitats, faune, flore » de 1992 instituant le réseau Natura 2000 et doivent être préservés. Dans un récif arrivant à maturation, les fonctionnalités écologiques sont mises en avant, toutefois, l’étude réalisée en 2015, en collaboration avec le CNRS a montré qu’en phase d’extension rapide, la formation de ces constructions conduit temporairement à une baisse de la biodiversité en secteur rocheux.
Une espèce qui peut se développer rapidement
Généralement, les courants marins ne permettent pas aux larves des sabelles de remonter vers le nord des côtes de la Manche. Néanmoins, lorsque les conditions météorologiques le permettent, les larves transportées par le courant, parviennent à se développer sur l’estran compris entre Granville et Saint Germain sur Ay. D’abord sous forme de plaquage de quelques centimètres de hauteur, la colonisation s’exprime ensuite par des petits récifs pouvant entraîner parfois une gêne pour les cultures marines (circulation/exploitation, compétition spatiale et/ou trophique, déplacement des infrastructures…). Les apports en larves étant discontinus et les hermelles très sensibles aux conditions météorologiques (vagues, gelées) et anthropiques (pêche à pied…), l’évolution de ces constructions est très aléatoire.
Suivre l’évolution des hermelles pour mieux les connaître
Seules quelques données très fragmentaires permettaient de témoigner de la présence des hermelles sur la côte ouest du Cotentin. Ainsi, une cartographie de l’ensemble du secteur a été réalisé par le SMEL en 2010 lors d’un développement important de cette espèce. La reconduction de cette opération quatre ans plus tard, permet de visualiser leur évolution (cartes téléchargeables ici). Ces deux cartographies mettent en évidence une disparition dans certains secteurs, une stagnation dans d’autres mais également parfois un développement rapide.
Les cultures marines ne sont pas responsables de l’évolution des constructions
Autre observation importante, cette étude permet de montrer que les dégradations observées sur les constructions ne sont généralement pas imputables de façon prépondérante aux activités conchylicoles. En effet, les mêmes dégradations sont observées sur des secteurs en dehors de ces zones. Toutefois, des interactions existent entre les sabelles et les coquillages en élevage: ces différentes espèces filtreuses sont susceptibles de s’alimenter sur le même bol alimentaire entrant ainsi en compétition trophique (Dubois, 2003). Sur le plan physique, une protection mutuelle face à la houle est également probable : récifs et tables ostréicoles permettant de limiter l’effet destructeur lors des tempêtes.
Une coexistence souhaitable entre hermelles et cultures marines
Les fluctuations importantes des populations d’hermelles au nord de Granville ne justifient pas de mesures de protection particulière de cette espèce. Cet habitat peut présenter ponctuellement des fonctionnalités écologiques intéressantes. Des interactions existent entre les espèces cultivées et les hermelles. Ainsi, la coexistence avec les cultures marines est possible, chaque espèce pouvant y trouver un intérêt.
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Partenariat financier
Evolution et interactions des Sabellaria en secteurs conchylicoles.
Olivier Basuyaux, Erika Schlund, Billie Lecornue, Jean-Claude Dauvin. 2015.