Les phénomènes de corrosion sont très fréquents dans le milieu maritime et peuvent entrainer d’importants dommages sur les infrastructures concernées. Pour limiter cela, de nombreux acteurs font le choix de l’installation d’anodes galvaniques. Ces alliages de métaux se dégradent à la place de l’acier à protéger permettant ainsi de limiter la corrosion des ouvrages maritimes (structures portuaires, navires, fondations des parcs éoliens offshores…). Malgré leur forte utilisation sur ces infrastructures les anodes présentent un inconvénient puisque 80 % des produits issus de leur dissolution est transféré dans l’environnement. Les métaux libérés comme l’aluminium et le zinc, sont certes naturellement présents dans le milieu mais peuvent entrainer un enrichissement des différents compartiments (sédiments et organismes) pouvant potentiellement conduire à des effets toxiques pour le vivant. C’est dans ce cadre que le programme de recherche ANODE a été lancé. Ce dernier s’appuie sur la thèse d’Alexandre Levallois (Borea, Université de Caen lancée le 1er décembre 2019) dont le but est l’étude des contaminants métalliques issus de la dégradation des anodes galvaniques dans le milieu marin et la mesure des effets potentiels sur quelques organismes marins. Alexandre Levallois s’est dans un premier temps concentré sur les micro-algues et l’huitre creuse, Crassostrea gigas (producteurs primaires et un filtreur). L’intérêt étant d’étudier différents niveaux trophiques, une nouvelle étude a été lancée en collaboration avec une étudiante en dernière année d’école d’ingénieur Agrocampus Ouest, le Smel et BOREA afin d’évaluer les effets potentiels des métaux libérés par les anodes galvaniques sur un brouteur, l’ormeau Haliotis tuberculata. Ces travaux ont obtenu un soutien financier de l’Agence de l’Eau Seine Normandie et du Conseil Régional de Normandie.
Une forte présence d’anodes sur les structures maritimes, mais des concentrations en métaux libérés relativement faibles.
Du fait de leur facilité d’installation et d’une maintenance peu contraignante, la protection par anodes galvaniques est la plus utilisée dans le milieu maritime. Au cours de cette étude la quantité d’anodes présentes sur l’ensemble des infrastructures maritimes des côtes françaises de la Mer du Nord et de la Manche (Parcs éoliens offshores, structures portuaires, bateaux de pêche et bateaux de plaisance) a été estimée à 5 040 T. 72 % seront installés sur les parcs éoliens offshores, 25 % protègent les structures portuaires et 3% les bateaux de pêche et de plaisance. Malgré cette forte présence, les produits de dégradation libérés dans le milieu sont négligeables. En effet en prenant en compte le facteur de dilution et les courants marins, la concentration en métaux du fait de la présence d’anodes est inférieure à celle trouvée dans le milieu naturel (entre 2 et 150 μg.L-1).
Des métaux libérés sous différentes formes chimiques, plus ou moins bio disponibles.
Afin d’étudier la toxicité potentielle d’un produit il convient de s’intéresser à ses formes chimiques dans le milieu étudié. En effet, pour qu’un élément ait un impact sur un organisme il doit être sous une forme chimique qui puisse être assimilée, c’est à dire bio disponible. Pour cela, des DGT (gradient de diffusion en couche mince) ont été installés dans des bacs d’expérimentation pendant une semaine. Ce dispositif permet d’évaluer la contamination chimique des eaux par accumulation des métaux « labiles ». Les résines des DGT ont pu être analysées au laboratoire BOREA, permettant de révéler la présence de molécules d’aluminium bio disponibles de différentes formes et tailles. Ces différentes formes chimiques ont des comportements variés pouvant influencer le processus de contamination d’un compartiment (masse d’eau, sédiment) ou organisme vivant.
Des produits de dégradation qui ne semblent pas présenter de risque de toxicité
Afin d’évaluer le risque de toxicité des métaux libérés, un montage électrochimique reproduisant la dégradation de l’anode a été mis en place. Plusieurs lots d’ormeaux ont été exposés à différentes concentrations sur une période de 3 mois. Divers paramètres tels que la croissance, la mortalité, et des paramètres hémocytaires ont été analysés et des prélèvements d’eau ont permis le suivi des concentrations dans les bacs d’expérimentation. A la suite de ces 3 mois, certains des paramètres ont été impactés, notamment la croissance et le taux d’ingestion, mais pour des concentrations très supérieures à celles que l’on retrouve dans le milieu naturel. Les métaux tels que l’aluminium et le zinc libérés par les anodes galvaniques ne semblent donc pas présenter de risque de toxicité pour les ormeaux au vu des concentrations des masses d’eau du milieu naturel.
Des analyses à poursuivre pour une évaluation plus complète.
Suite à cette étude et aux précédentes expérimentations menées dans le cadre de la thèse d’Alexandre Levallois, des premiers résultats ont pu être établis sur la toxicité potentielle des produits de dégradation des anodes. Cependant pour avoir une vision plus complète, il convient de s’intéresser à d’autres espèces, stades de développement et compartiments. Certaines études ont déjà montré que les produits de dégradation ont tendance à s’accumuler dans le sédiment. Le comportement des métaux dans ce compartiment n’est pas encore clairement établi, il peut être à l’origine de phénomènes de relargage ou avoir un impact sur les organismes qui y vivent notamment les vers fouisseurs. D’autres espèces peuvent également être étudiées afin d’évoluer dans la chaine trophique, c’est notamment ce qui sera réalisé au Smel sur des seiches début 2022. Alexandre Levallois soutiendra sa thèse de doctorat début 2023.
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