Le réseau de suivi des huîtres naturelles, appelé HLiN (Huitres du LIttoral Normand), fête son dixième anniversaire cette année. Initialement prévu pour suivre l’évolution d’une population qui peut entrer en concurrence trophique avec l’ostréiculture, ce suivi peut également être perçu comme un indicateur du changement climatique, la population d’huîtres ayant tendance à migrer vers le nord de la France depuis les années 1990. Au cours de la décennie 2010, nous avons pu observer une première partie avec une absence de recrutement qui se caractérise par une chute des densités observées, notamment sur la côte Ouest du Cotentin. Puis, au cours de la seconde partie, les conditions de reproduction des huîtres ont été plus favorables et il a été observé un recrutement important et une augmentation du nombre d’individus, dépassant bien souvent données du début du suivi, en 2010.
HISTORIQUE
Au cours des années 2000 et suite à des observations effectuées sur le terrain par les agents du SMEL, – la population d’huîtres sur les côtes de l’Ouest Cotentin paraissait plus importante que lors de la décennie précédente. De plus, les témoignages apportés par les pêcheurs à pied sur ce littoral concordaient avec ces observations. De ce constat, il a été décidé d’évaluer cette population appelée « huîtres naturelles » sur l’ensemble des côtes de la Manche. Le but était de suivre une population qui peut, à terme, entrer en compétition alimentaire avec l’activité ostréicole actuelle, importante sur le littoral normand. La colonisation des huîtres sur le littoral peut également être un témoin du changement climatique et de ses conséquences au niveau local.
Dès 2010, les premiers travaux sont effectués au cours d’un stage d’étudiant cherchant à évaluer la population mais également à tester des protocoles de suivi. Inspirée par PROGIG et VELYGER, des études menées par l’IFREMER au cours des années 2000, l’ambition était de faire un protocole simple mais qui permettait de suivre à la fois l’évolution de la colonisation, soit des huîtres présentes quel que soit leur âge et le recrutement, soit l’arrivage chaque été de nouvelles huîtres.
Au fil des années, le suivi s’est affiné, stabilisé et étoffé en nombre de stations. Tout d’abord, 4 stations sont suivies annuellement. Il s’agit du Nord au Sud de Portbail, de Saint-Germain-sur-Ay, de Granville, au nord de la Pointe du Roc et de Carolles. Sur ces stations sont répertoriés la colonisation régulièrement suivie depuis 2012 et le recrutement, dont les premières données datent de 2013. Puis, 13 points sont suivis uniquement pour la colonisation tous les trois ans. Le cycle complet d’un suivi est effectué au bout de ces trois années. Il est à noter que, si la colonisation est très importante entre les falaises de Champeaux et le secteur de Saint-Germain-sur-Ay, le reste du littoral de la Manche est également suivi.
EVOLUTION DE LA COLONISATION
Le tableau ci-dessous montre un récapitulatif des résultats de la colonisation durant ces dix années de suivi. La première période (2010 – 2011) correspond à la période de test du protocole et l’évaluation et de l’implantation de la colonisation. Ensuite, à partir de 2012, le suivi s’est réglé sur des périodes de trois années avec des stations nouvelles apparues au cours du temps ou des retours effectués sur des stations abandonnées en un premier temps.
Dans ces conditions, dix années ne sont pas suffisantes pour visualiser les tendances fines sur l’évolution de la colonisation des huîtres sur le littoral de la Manche. Cependant, on note une augmentation d’ensemble de la densité lors de la dernière période (2018 – 2020).
Or, en regardant le recrutement, on note des arrivées notables d’huîtres sur le littoral de l’Ouest Cotentin au cours des années 2017, 2018 et 2019. Il faut préciser que le recrutement d’une année N est visible et comptabilisé dans le recrutement l’année suivante. En effet, les huîtres se reproduisent durant la période estivale et les juvéniles sont visibles à l’œil nu qu’à partir de l’hiver suivant.
Et ensuite…
Bien qu’ayant augmenté au cours de la décennie, la densité d’huîtres naturelles observées sur le littoral de la Manche, et surtout sur la zone autour de Granville, ne représente toujours pas un problème pour l’ostréiculture sur cette zone. Et les recrutements observés, même s’ils sont plus importants ces dernières années, ne permettent pas d’envisager une exploitation économique et d’implanter des structures de captage. Toutefois, l’objectif de ce suivi étant de suivre cette population, les résultats de ces dernières années démontrent toute l’importance de suivre d’une part le recrutement et son intensité au cours de ces prochaines années et leur impact sur le nombre d’huîtres implantées sur les côtes de la Manche, notamment dans les zones conchylicoles.