La surveillance des milieux aquatiques est une obligation réglementaire dans le cadre de deux directives (Directive cadre sur l’eau 2000/56/CE et directive cadre stratégie pour le milieu marin 2008/56/CE). Ainsi, des programmes de biomonitoring se sont développés afin d’évaluer les quantités et la distribution de certains contaminants dans les individus d’espèces choisies pour leurs particularités bioécologiques. Cette méthodologie est appliquée en France pour les métaux et quelques molécules organiques (HAP, PCB) au sein du Réseau d’Observation de la Contamination Chimique du milieu marin (ROCCH anciennement RNO) de l’IFREMER. LABEO et le SMEL ont étudié la bio accumulation de 34 herbicides les plus susceptibles d’impacter le milieu. Les résultats sont présentés lors de la 23ieme édition du congrès JIE (Journées Information Eau) de Poitiers du 9 au 11 octobre 2018.
Trente-quatre molécules recherchées
Les nouvelles molécules, telles que les produits phytosanitaires utilisés en milieu agricole et urbain, parviennent jusqu’à la mer par le lessivage et les cours d’eau, puis la dilution importante dans le milieu marin empêche souvent une analyse dans l’eau (sensibilité analytique trop faible). Les organismes sentinelles vont non seulement concentrer les molécules mais peuvent également être affectés par leur présence. Or, faute parfois de méthodologie analytique spécifique, certaines de ces molécules ne sont pas recherchées. En effet, en 2013, 423 substances actives sont disponibles sur le marché parmi lesquelles nombreuses sont classées comme toxiques pour les organismes aquatiques selon la classification CLP (CE 1272/2008). De plus, parmi celles qui sont aujourd’hui interdites, certaines, très persistantes, sont encore retrouvées dans l’environnement (ex : les organochlorés endosulfan et lindane). Il serait extrêmement coûteux de rechercher l’ensemble des substances actives, la démarche consiste donc à sélectionner à partir de différents critères quelques molécules dont le risque est le plus important. Ainsi, 34 molécules ont été sélectionnés parmi les plus utilisées en Normandie ou présentant une toxicité ou une rémanence importante.
Les mollusques et les éponges : des organismes bio accumulateurs
D’autre part, les espèces cibles doivent être choisies en fonction de leur pertinence (accumulation des molécules). Ainsi, les bivalves historiquement utilisés dans les programmes de monitoring (ROCCH) des différents secteurs seront choisis (huîtres, moules) mais également les éponges marines ayant montré leur intérêt comme espèce sentinelle dans le programme d’étude Spontox. Afin de standardiser les échantillons, les mêmes lots d’huîtres, de moules et d’éponges sont placés dans des cages dans 4 sites d’études en Normandie.
Une technique analytique spécifique et optimisée pour la détermination des pesticides
Un protocole analytique a été développé par les ingénieurs de LABEO en couplant une technique d’extraction suivie d’une étape de purification. Le dosage est ensuite effectué par chromatographie en phase liquide haute performance couplée à un spectromètre de masse en tandem (UPLC-MS/MS). Une première méthode « pesticides multi résidus » a ainsi été mise au point. Une seconde méthode spécifique a été développée pour l’analyse du glyphosate. Une caractérisation des méthodes a permis d’établir les limites de détection et de quantification de chaque composé. Une étude de la justesse et de la fidélité des résultats a également été réalisée. D’autre part, les protocoles de validation des pesticides dans les matrices biologiques imposent une étude de rendement au niveau de la limite maximale en résidus (LMR).
Très peu de pesticides retrouvés
Les résultats montrent que la plupart des concentrations des pesticides recherchés dans les trois espèces sont inférieures aux limites de quantification. Ainsi, sur les 34 molécules analysées, seules cinq sont retrouvées dans les moules, les huîtres et les éponges : le diflufenican, la pendimethaline, l’isoproturon, le glyphosate et son produit de dégradation l’AMPA. Les concentrations sont très faibles de l’ordre du µg par kg de poids frais. Concernant les herbicides pendiméthaline, diflufenican et isoproturon, les bivalves permettent d’obtenir une bioaccumulation supérieure à celle mesurée dans l’éponge (H. perlevis). Ces résultats peuvent être interprétés par la corrélation du caractère plus lipophile de ces molécules et la concentration en lipides de ces deux espèces par rapport à l‘éponge. Inversement, l’éponge H. perlevis constitue une espèce intégratrice mieux adaptée que les mollusques bivalves pour étudier des composés très polaires comme le glyphosate et l’AMPA non accumulés dans les lipides.
Bivalves et spongiaires, des organismes bio-accumulateurs complémentaires
Ces espèces intégratrices constituent un outil de surveillance bien adapté pour les herbicides les plus susceptibles d’impacter le milieu. Les données collectées lors de cette étude montrent la complémentarité des espèces selon la nature des molécules suivies. Les huîtres, les moules et les éponges pourraient ainsi être utilisées comme espèces sentinelles dans le cadre d’un réseau de surveillance des pesticides les plus utilisés en Normandie.
Partenariat technique :
Partenariat financier :
Le biote comme outil pour le suivi des herbicides sur le littoral bas-normand
PASSIGNAT Céline1, BASUYAUX Olivier2 , LE GLATIN Stéphane1, GUEDAS Anne1, DUBREULE Christelle1, TANGUY Camille1, BOUCHART Valérie1
1LABÉO, 1 route de Rosel, Saint Contest, 14053, Caen Cedex, France –www.laboratoire-labeo.fr
2 SMEL – Centre expérimental, Zone conchylicole, Parcelle n°45, 50560 Blainville sur mer – www.smel.fr