Après neuf mois d’enquêtes sur le terrain et de R & D, le projet SEAPLAST dévoile ses premiers résultats. Son objectif était d’étudier le potentiel de valorisation des déchets plastiques et sous-produits des filières pêche, conchyliculture et algue en plasturgie. Ce projet, porté par le SMEL, a pu être réalisé grâce à la prestation de NaturePlast et d’Ivamer ainsi qu’au financement de l’Adème et du Conseil Régional de Normandie (Fonds Défi’Nergie).
Un projet en 4 phases.
- Le cahier des charges et les besoins : Le projet s’est attaché à définir le cahier des charges et les besoins auxquels les matières premières devaient répondre pour être utilisées dans la production de plastiques recyclés et de bioplastiques. Ce cahier des charges a permis en amont de présélectionner un panel de déchets.
- L’état des lieux des déchets plastiques, sous-produits coquillers et d’algues : Un travail bibliographique et d’enquête a été mené sur l’ensemble du territoire normand (16 ports de pêche, panel de pêcheurs et conchyliculteurs, mareyeurs, autres structures) pour faire un inventaire des déchets plastiques, sous-produits coquillers des filières pêche et conchyliculture, sous-produits d’algues en Normandie et décrire leur gestion ainsi que les acteurs impliqués.
- Opportunités de valorisation en plasturgie : Chaque type de déchet a fait l’objet d’une fiche technique, faisant la synthèse de toutes les données recueillies lors des enquêtes, et d’une analyse selon la méthode AFOM (avantage, faiblesse, opportunité, menace) pour mesurer le potentiel de valorisation en plasturgie.
- Réalisation des essais en laboratoire : Les essais en laboratoire ont été réalisés sur :
– 4 déchets plastiques de la pêche et de la conchyliculture servant de référentiel « plastique recyclé » (filet de chalut, filet droit mono filament, poche à huître, filets mytilicoles)
– 4 sous-produits coquillers et d’algues (coquille Saint Jacques, coquille d’huître, coquille de moule, mélange de sous-produits d’algues et de terre filtrante) et 2 matières plastiques vierges (polypropylène et bioplastique: polybutylènesuccinate) servant de référentiel « nouvelles applications »
Après différents traitements industriels, les éprouvettes plastiques obtenues (photo ci-dessous) ont été caractérisées par une batterie de tests (propriétés mécaniques, rhéologiques, physico chimiques).
La gestion des déchets de la pêche et de la conchyliculture.
Même s’il existe dans tous les ports de pêche un plan de réception et de traitement des déchets des navires (obligation réglementaire), il existe une grande variété de situations en termes de moyens mis à disposition et de résultats. Ceci est surtout vrai pour les déchets dits banals (déchets solides de la pêche autres que les déchets ménagers : cordages, filets, chaluts, caisses polystyrène…..) alors que les déchets de la pêche dits dangereux (huiles usagées, eaux grises, eaux de fond de cale, contenants d’huiles, peintures….) sont correctement triés et recyclés. Ainsi, dans certains ports, les infrastructures et moyens humains sont présents et suffisants pour permettre une collecte et un tri rigoureux des déchets ; dans d’autres cas, le manque de volonté et de moyens entraînent des dérapages et des incivilités. Pour la conchyliculture, la gestion des déchets est plutôt individuelle et spécifique à chaque entreprise.
A l’heure actuelle la majorité des déchets de la pêche et de la conchyliculture sont destinés à l’enfouissement et sont récupérés par des prestataires privés (Veolia Propreté, Sita ou Suez Environnement, SPHERE).
Des gisements de déchets importants et intéressants à valoriser.
La pêche et la conchyliculture
Les filets maillants et trémails ainsi que les alèzes de chalut constituent les gisements les plus importants. On évalue à plus de 100 tonnes la quantité de déchets de filets et de chaluts produite par an. Composées de plastiques issus du pétrole (polyéthylène, polypropylène, polyamide), ce sont des matières intéressantes à recycler. Il existe déjà dans certains ports de Normandie (Saint Vaast la Hougue, Dieppe, Fécamp) une filière de collecte de filets usagés destinés au recyclage et qui pourrait servir de levier au déploiement de cette initiative dans d’autres ports de pêche.
La conchyliculture est également un gisement de matières plastiques facilement mobilisables dont les deux principaux déchets sont les poches à huîtres et les filets mytilicoles, évalués à plus de 550 tonnes par an. Une filière de collecte de poches usagées s’organise depuis plusieurs années dans les principaux bassins conchylicoles de Normandie et la société Intermas recycle le polyéthylène pour mettre sur le marché des poches recyclées. Il n’existe pas actuellement de recyclage des filets mytilicoles.
Les coquilles d’huître, moule, coquille saint jacques…..
Les entreprises de transformation des produits de la pêche spécialisées dans le décorticage de bivalves et les entreprises conchylicoles génèrent des gisements importants de déchets coquillers estimés à plus de 6 000 tonnes par an. Les coquillages sont principalement composés de carbonate de calcium, qui, comme le talc, est utilisé en plasturgie depuis des dizaines d’années pour baisser le prix des matières plastiques et pour les rigidifier. Le coquillage est renouvelable annuellement et peut donc trouver des débouchés intéressants en termes de volume car ce produit est déjà utilisé industriellement à très grande échelle à travers le monde.
Et les sous-produits d’algues
Au niveau national, on estime entre 60 et 64 000 tonnes par an de résidus d’algues issus de l’extraction des alginates dont la moitié serait facilement accessible pour une valorisation en plasturgie. Ces résidus d’algues sont les prochaines matières premières intéressant les industriels pour produire des plastiques bio sourcés1 car ils ne rentrent pas en concurrence avec l’alimentation humaine (cas des plastiques bio sourcés produits à partir de céréales, cannes à sucre, pomme de terre….).
Les essais en laboratoire: premiers résultats.
Les plastiques recyclés
Les déchets issus de la pêche et de la conchyliculture ont été recyclés mécaniquement de manière similaire à ce qui se fait aujourd’hui dans le recyclage industriel des déchets plastiques. Les déchets récupérés sont pollués et il est nécessaire de les nettoyer préalablement au recyclage. Les éprouvettes testées ont permis de constater une baisse de 20% de leurs propriétés mécaniques. Ainsi, dans un objectif d’économie circulaire, il faudra définir avec les industriels si une telle baisse est acceptable ou non pour réintégrer ces produits en plasturgie. Néanmoins, pour augmenter les propriétés mécaniques de la matière recyclée, des solutions existent comme l’ajout d’additifs, de matière plastique vierge ou de matière recyclée à propriété mécanique supérieure.
Parfois, ces déchets plastiques s’échouent sur les plages. Par conséquent leur biodégradabilité est à développer. Les filets mytilicoles et les tahitiennes font partie de ces produits consommables qui peuvent être fabriqués avec des matières biodégradables.
Les algues et les coquillages
L’incorporation de poudre de coquillages ou d’algue dans des plastiques s’est faite sans grande difficulté. Les charges de type minéral comme les coquillages, peuvent être mélangées dans n’importe quel type de plastique y compris ceux se transformant à haute température (exemple du polyamide utilisé pour faire les filets de pêche qui se transforme à environ 220°C). En revanche, l’algue qui est une matière organique, ne supporte pas des températures de transformation au-delà de 160°C sans quoi elle brûle voire carbonise, produisant un matériau noir et odorant avec des propriétés mécaniques dégradées. Dans ce cas, le résidu d’algue doit être incorporé à des matrices plastiques de type polyéthylène ou polybutylènesuccinate (PBS) qui peuvent se transformer à basse température (environ 140°C).
SEAPLAST : un projet identifié au niveau national
La politique actuelle est propice à la valorisation des déchets plastiques générés par les activités de pêche. En France, plusieurs projets s’inscrivent dans cette dynamique dont le projet SEAPLAST (cf carte). En septembre 2016, la Coopération Maritime (CM) a conforté cette dynamique en lançant le projet PECHPROPRE à envergure nationale et dont l’objectif principal est de proposer des pratiques de gestion pérennes des plastiques usagés de la pêche dans tous les ports français. Un travail d’enquêtes est en cours par la CM et le SMEL s’est chargé d’enquêter dans les 16 ports de pêche de Normandie ; à ce titre la CM a apporté un soutien financier au SMEL.
La CM a lancé un site internet www.pechpropre.fr pour que les porteurs de projets territoriaux puissent communiquer entre eux sur des problématiques communes créant ainsi des dynamiques territoriales et permettant de nourrir le projet national. A terme, la Normandie pourrait servir de région pilote pour mettre en place un dispositif national de gestion des déchets plastiques de la pêche.
La prochaine étape sera de travailler avec des industriels de la plasturgie et les professionnels de la pêche et de la conchyliculture pour développer des prototypes qui seront testés en situation réelle d’utilisation (projet RESEAPLAST).
(1) Plastiques bio sourcés : plastiques biodégradables issus de ressources renouvelables (végétales, animales) et/ou du pétrole.
Partenariat technique
Partenariat financier
SOUS PRODUITS ET DÉCHETS PLASTIQUES DES FILIÈRES PÊCHE, CONCHYLICULTURE ET ALGUES EN NORMANDIE : POTENTIELS DE VALORISATION EN PLASTURGIE;
L. Hégron1, S. Moal1, B. Thomas2, T. Lefèvre3, A. Raingué3, L. Bélard3. 2017.
[…] Le recyclage des déchets de la pêche et de la conchyliculture: première étape terminée. […]