A la demande des professionnels (CRC Normandie Mer du Nord), le SMEL met en place un programme intitulé « Gestion des Biomasses Mytilicoles » pour une gestion optimale des élevages. L’objectif visé par ce programme est de sensibiliser les mytiliculteurs sur la maîtrise des biomasses en élevage dès l’ensemencement pour une production de qualité et dans le respect de l’environnement. Afin de démontrer l’importance de cet élément, des élevages expérimentaux de terrain et en laboratoire sont mis en place depuis le printemps 2019. Une première partie, réalisée au centre d’expérimentation du SMEL, concernant les manipulations en milieu contrôlé a déjà apporté des éléments de réponse.
Impact des densités
En travaillant avec deux groupes de moules d’âges différents (1 et 2 ans), il a été possible de démonter une évidence : à partir d’une même ration alimentaire, plus on est nombreux, moins on peut se nourrir. Sur la durée de l’expérimentation en milieu contrôlé (4 semaines, ration alimentaire à satiété et température constante), cinq différentes densités d’élevage ont été mises en œuvre. Des indicateurs classiques de croissance comme la longueur de coquille et le taux de remplissage, ont été suivis. Sur la durée de l’expérience, l’indicateur longueur de coquille présente des tendances montrant une diminution de la croissance avec l’augmentation de la densité d’élevage. Ces tendances sont particulièrement visibles avec la classe d’âge 1 an. Avec l’indicateur taux de remplissage des différences significatives apparaissent plus nettement. Des baisses significatives de taux de remplissage surviennent entre les densités extrêmes (entre la plus faible et la plus forte) pour la classe d’âge 2 ans. Avec la classe d’âge 1 an, un gradient décroissant significatif de taux de remplissage est observé avec l’augmentation de densité.
Quelles conséquences ?
S’il est évident que la disponibilité en nourriture impact directement la croissance et le taux de remplissage, la question qui survient immédiatement est quelle conséquence cela peut-il avoir ? Pour y répondre, il a été choisi de confronter les moules ainsi conditionnées à différentes densités d’élevage à un stress pathogène au cours d’une infestation expérimentale. Le principe de ce type d’expérimentation est d’injecter une suspension de bactéries connues pour induire des mortalités à des lots test. Des lots témoins sont également constitués : un lot de moules injectées avec de l’eau de mer (visualisation uniquement du stress « injection » ‘il y en a un) et un lot de moules non injectées (témoin).
Les résultats de ces expérimentations montrent très clairement que les moules élevées aux plus fortes densités, donc ayant des taux de remplissage les plus faibles, subissent plus de mortalité lorsqu’elles sont confrontées au stress pathogène, et ce, de manière similaire pour les 2 classes d’âge.
Cela montre dans les conditions expérimentales en milieu contrôlé, que l’augmentation de la densité d’élevage, via la limitation trophique qu’elle induit, implique une faiblesse physiologique chez les moules.
Ces réponses ont été confirmées lors d’expérimentations faisant varier uniquement la ration alimentaire apportée aux moules élevées aux plus fortes densités. Dans tous les cas, un déficit d’alimentation induit une moindre capacité des moules à résister au stress pathogène et tout particulièrement chez les moules les plus jeunes.
Importance des pratiques zootechnique
Dans un milieu soumis à des variations importantes de nombreux facteurs externes dont la disponibilité trophique, les pratiques zootechniques sont les seuls éléments maitrisables par les mytiliculteurs. S’il est beaucoup moins évident de dissocier l’impact de tous ces facteurs externes dans les conditions d’élevage en milieu naturel, il convient toutefois de sensibiliser les professionnels sur l’aspect « densités d’élevage » qui, d’une certaine manière, peut implicitement devenir un facteur à risque lorsque des seuils de tolérance sont atteints.
Le suivi des élevages expérimentaux in situ lancés depuis l’été 2019, apporteront des éléments concrets sur l’impact de ce facteur densité sur la productivité mytilicole de manière générale. Avec l’ensemble de ces éléments, il conviendra de fournir des préconisations zootechniques de manière à éviter les pratiques à risques.
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