Si le stress est parfois considéré comme l’une des maladies les plus rependues au 21ième siècle dans notre société, il ne touche pas uniquement les populations humaines mais également un large spectre d’espèces. Il se définit comme étant un ensemble des réactions physiques et physiologiques de l’organisme, face à une situation particulière dite stressante. Les organismes vivant dans le milieu marin sont soumis à des stress variés d’origines naturelle ou anthropique mais de rares études portent sur cette problématique. Une étudiante, Caitlin O’Brien du laboratoire Ethos (Ethologie animale et humaine) de l’Université de Caen vient d’achever sa thèse de doctorat ; une partie des expérimentations a été réalisée au centre expérimental du SMEL.
La seiche, une espèce aux facultés cognitives développées
Les céphalopodes sont souvent considérés, à juste raison, comme des êtres intelligents voire sensibles au même titre que les vertébrés terrestres. Les seiches et les poulpes sont les plus étudiés et les nombreuses études ont porté plus particulièrement sur l’apprentissage et la mémoire. Cette étude porte un nouveau regard sur la perception du stress et en particulier sur le stress prénatal. Dans le milieu naturel, les embryons de seiche se développent dans des capsules individuelles fixées à divers supports naturels (algues, vers tubulaires…) ou d’origines anthropiques (casiers, cordes). Durant cette période de deux à trois mois, les embryons peuvent alors être soumis à des stress très variés tels que la présence de prédateurs ou le travail des casiers par les pêcheurs. Mais alors, que reste-t-il de ces stress lorsque les seiches naissent ?
L’éthologie dispose d’outils adaptés à l’étude du stress chez la seiche
L’éthologie se définit comme la « science des comportements des espèces animales dans leur milieu naturel ». Le stress prénatal est un sujet d’intérêt éthologique croissant en raison de ses effets sur la santé humaine et le bien-être des animaux. La seiche Sepia officinalis est un modèle pratique car la progéniture en développement peut être séparée de leur mère pour examiner diverses sources potentielles de stress en isolement expérimental. Plusieurs catégories de facteurs de stress peuvent été appliquées aux embryons et aux juvéniles. La progéniture résultante a été testée dans une série d’épreuves physiologiques et comportementales.
Comment le stress prénatal se transmet aux juvéniles de seiches ?
L’objectif était de déterminer si différents types de stress prénatals affectent la seiche et, dans l’affirmative, comment ces effets se transmettent. Les données présentées dans la thèse démontrent que les facteurs de stress appliqués aux femelles reproductrices (stress maternel) et/ou aux embryons (stress embryonnaire), affectent le comportement postnatal, la mémoire et la neurobiologie. Les résultats mettent en évidence la présence de trois voies par lesquelles le stress peut exercer des effets : sur le nombre de descendants produits par la femelle, la transmission de la femelle à sa progéniture et directement sur la progéniture elle-même. Les expériences ont également démontré qu’un facteur de stress complètement artificiel (lumière forte) affectait un éventail plus large de comportements chez la progéniture qu’un stress naturel (odeur de prédateur). Enfin, les données ont montré que les environnements d’incubation et d’élevage peuvent également affecter la progéniture et méritent donc une attention particulière dans la formulation et l’interprétation des expériences avec cette espèce.
La seiche un modèle pour la compréhension du stress chez l’homme ?
Ces découvertes permettent, d’une part, de fournir des recommandations pour le bien-être des seiches et les autres céphalopodes (par exemple, en réduisant la manipulation en élevage pour maximiser la reproduction) et, d’autre part, élucident et renforcent les principes éthologiques qui s’appliquent au stress animal en général (par exemple la transmission des effets de stress de la mère à la progéniture). Compte tenu des informations fournies dans cette thèse et dans de nombreuses autres études, la seiche et les autres céphalopodes devraient continuer à servir de modèles comportementaux en éthologie et en biologie en général, et en particulier chez l’homme.
Partenariat technique :
Effects of prenatal stress on Sepia officinalis
Catlin Elizabeth O’BRIEN