L’analyse des polluants dans l’eau de mer est souvent difficile car les concentrations sont généralement relativement faibles et soumises à des fluctuations importantes des paramètres environnementaux (apport d’eau douce, marée, conditions météorologiques…). Les indicateurs biologiques permettent parfois d’obtenir des réponses globales de l’impact de la pollution sur le vivant. Si les indicateurs biologiques sont utilisés couramment en eau douce, ils restent relativement rares en eau de mer mais dans les deux cas, ils ont pour objectif premier de mesurer les niveaux d’accumulation des contaminants dans les tissus des organismes marins. Dans les réseaux de surveillances, les bivalves (moules, huîtres…) sont souvent utilisés mais certains métaux ou polluants sont parfois régulés par les organismes. Le choix des espèces utilisées comme indicateurs biologiques doit être spécifique au compartiment de l’environnement contaminé. Ainsi, les recherches menées précédemment sur les éponges marines (SPONTOX) ont permis de mettre en avant l’intérêt de ces espèces pour la détection des contaminants présents dans l’eau (le cuivre par exemple). Dans le cas de la pollution du compartiment sédimentaire, la bioaccumulation sera suivie dans des espèces vivant au plus près ou dans le sédiment. En collaboration avec deux étudiants du Master 2 Aquacaen de l’université de Caen, le SMEL et BOREA ont mené une pré-étude sur l’utilisation des vers marins (néréis) comme bioaccumulateurs des produits de dégradation des anodes galvaniques retrouvés en surface du sédiment.
Les bio-indicateurs permettent d’observer la pollution marine
Depuis de nombreuses années, les pressions anthropiques comme l’augmentation des activités industrielles et agricoles, la pression démographique, ou encore l’utilisation de produits polluants ont fortement impacté nos écosystèmes marins et côtiers. Les eaux marines et les eaux douces voient leur concentration, en oxygène, carbone ou azote, varier et provoquer parfois des toxicités sur les organismes aquatiques. Les sites les plus touchés sont les estuaires puisqu’ils se situent au milieu de deux écosystèmes : en amont les eaux terrestres et en aval les eaux marines. Dans ces estuaires, sièges d’importants changements dans les paramètres environnementaux, il est donc intéressant d’étudier les niveaux de concentrations en métaux, pesticides, médicaments et autres traces de polluants ou contaminants d’origine humaine. Pour cela, on peut utiliser certains groupes d‘espèces dits bioindicateurs reflétant l’état biotique ou abiotique du milieu, mais également nous informant de l’impact des pollutions organiques ou inorganiques sur l’environnement.
Certains vers marins pourraient être utilisés comme bio-accumulateurs de la pollution
Les annélides polychètes, couramment appelés par leur nom de genre néréis, sont un ensemble de vers marins peuplant nos écosystèmes estuariens et côtiers. Les annélides peuvent coloniser différents habitats, et vivre dans des conditions variées d’eaux qu’elles soient marines, saumâtres ou douces. Pour autant, presque toutes les annélides polychètes sont marines. Alors que certaines espèces resteront à vivre sur le substrat, d’autres s’y enfonceront. Leur anatomie générale se forme d’un corps composé de métamères dont l’organisation interne est relativement simple. Leur utilisation en tant que bioindicateurs est possible grâce à leur capacité à tolérer les polluants étudiés (Wallace et al., 1998) mais aussi à les bioaccumuler. De plus, ces vers marins se trouvent en abondance dans le sédiment des milieux estuariens et de nombreuses études écotoxicologiques ont déjà été réalisées principalement à l’aide de deux espèces : Hediste diversicolor (Berthet et al., 2003 ; Poirier et al., 2006) et Alitta virens.
Des conditions d’expérimentation à standardiser
L’élevage des annélides est maitrisé à grande échelle pour la production de proies destinées aux élevages de poissons et crustacés mais également pour fournir des appâts à la pêche récréative. A ce jour, la majorité des recherches menées sur la bioaccumulation de contaminants par des vers, a été réalisée à l’aide d’individus récoltés sur les différents lieux étudiés pour leur état de contamination. Toutefois, dans le cadre d’expérimentations scientifiques, certains paramètres biotiques et abiotiques doivent être précisés. C’est dans ce cadre que des essais de densités et de type de sédiment ont été réalisés à l’aide des plateaux techniques de la station de l’Université de Caen Normandie (CREC) et du SMEL. Couplés à la bibliographie, ces tests ont permis de montrer qu’il était possible de maintenir les individus vivants dans des sables grossiers avec une densité de 200 individus par m² durant au moins 1 mois, temps minimum pour la réalisation des tests de bioaccumulation.
L’aluminium semble se bioaccumuler dans les néreis en condition expérimentale
Une fois établis, les paramètres d’élevage ont permis de mettre en place une pré-expérimentation de bioaccumulation des métaux issus de la dégradation d’une anode galvanique (Aluminium-Indium) contrôlée par un montage électrochimique. Le montage expérimental était constitué de 3 bacs contenant du sédiment et des néréis, reliés entre eux par le déversement d’eau de mer naturelle décantée : un bac en amont sans anode (bac contrôle), un bac au centre contenant le montage électrochimique avec l’anode et un bac en aval de celui contenant l’anode. Cette première expérimentation avait pour but de comparer les niveaux de concentration des métaux relevés dans les néréis placés dans le bac contrôle (témoin), dans le bac contenant les néréis exposés à l’anode (aux métaux libérés sous les formes dissoutes + particulaire) et dans le bac situé en aval dans lequel les néréis étaient moins exposés à l’anode (mais aux métaux transportés par l’eau que l’on supposera majoritairement sous la forme dissoute). Des analyses régulières de l’eau ont permis de suivre la concentration totale en métaux. Après 15 jours et 1 mois d’expérimentation, les néréis ont été analysés et comparés au témoin. Les résultats préliminaires obtenus sont intéressants et semblent montrer un gradient de bioaccumulation de l’aluminium dans les néréis. La bioaccumulation est plus importante dans les vers exposés à la proximité de l’anode (dissous + particulaire) par rapport à des néréis exposés à un éloignement de l’anode et soumis à une concentration en aluminium majoritairement sous la forme dissoute, elle-même plus importante que les témoins (néréis non exposés à l’anode). Ces résultats sont préliminaires et des expérimentations plus poussées, notamment sur une durée d’exposition plus longue, devront être menées dans les prochains mois.
PARTENARIAT TECHNIQUE :